Lâabrogation de la convention sur les successions avec Paris a changé la fiscalité de nombreux Suisses
Dix ans après la rupture franco-suisse sur les successions, le bilan est amer pour une partie des Suisses résidant dans l’Hexagone. Mais aussi pour ceux détenant des biens en France. Analyse.
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31 octobre 2024 – 09:29
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«Je connais d’autres cas, comme celui d’un monsieur décédé à Genève dont l’essentiel de l’épargne était placée sur un compte français, relève Aubin Robert. Sa compagne est taxable en France à 60% et à Genève à 55%. Elle a dû renoncer à cette succession.» Paris déduit la part taxée en Suisse, mais seulement si elle concerne des biens situés hors de France.
L’Italie comme refuge fiscal plutôt que la Suisse
Chez l’avocat fiscaliste Philippe Kenel, installé à Lausanne mais aussi en Belgique, se pressent généralement les Français fortunés fuyant le fisc hexagonal. «Aujourd’hui, c’est l’instabilité politique et fiscale qui incitent ces personnes à partir», note l’avocat, qui pointe notamment la volonté du gouvernement de créer une nouvelle tranche de l’impôt sur les successions, à 49% et non plus 45%. Mais partir où? En Suisse, comme dans les années 1980, sous l’ère du Président socialiste François Mitterrand?
Pas nécessairement. Si leurs héritiers demeurent dans l’Hexagone, les Français fortunés n’ont plus intérêt à s’implanter en Suisse. «Ils choisissent souvent l’Italie, dont la convention sur les successions avec Paris ressemble à celle que nous avions avant. Et comme l’Italie taxe les successions directes à 4%, le voyage en vaut la peine, note Philippe Kenel.»
«La Suisse s’est bien fait berner par la France», se désole l’avocat. «La fiscalité est douce en Italie, San Remo est proche de Monaco pour s’y faire soigner et de l’aéroport de Nice. On y est parfaitement francophone et l’immobilier y est bien moins cher que sur la Côte d’Azur: autant d’atouts», confirme Aubin Robert.
Pour décourager encore davantage les gens fortunés de partir en Suisse, le gouvernement français (droite et centre) prévoit de rétablir l’«exit tax», laquelle impose les plus-values latentes des contribuables sur le départ, sauf s’ils conservent leurs actions pendant au moins 15 ans. Emmanuel Macron avait réduit ce laps de temps à deux ans. Mais les petits cadeaux du président aux personnes fortunées, aux «investisseurs», n’est plus de mise. «Aujourd’hui, c’est l’instabilité juridique qui domine, et elle n’est bonne ni pour les contribuables ni pour les investisseurs», estime Nicolas Zambelli.
Les inquiétudes de Marc Ferracci
Comment mettre fin à ce vide juridique, ne serait-ce que pour éviter les doubles impositions? L’an dernier, le Conseil national à Berne a demandé à l’exécutif de reprendre langue avec Paris. En France, on semble se contenter de la situation actuelle.
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En décembre dernier, le député des Français de Suisse, Marc Ferracci, interpellait son gouvernement sur la position difficile des doubles imposés, «qui peut impacter de nombreuses familles installées dans les territoires transfrontaliers». Marc Ferracci n’est pas le premier venu: il est le témoin de mariage d’Emmanuel Macron et un grand ami du président.
Sa question est pourtant restée lettre morte. Aujourd’hui Marc Ferracci est ministre de l’Industrie du gouvernement de Michel Barnier. Se souvient-il de la préoccupation que lui causait ce vide juridique?
Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg